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DEVILLERS Gaston
282e Régiment d’Infanterie Territoriale

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Né le 31 décembre 1873 à Fienvillers (Somme), Gaston Devillers était de la classe 1893. Il a recopié, d’une écriture maladroite à la mine de plomb, des notes de sa campagne dans un petit carnet.

Dans les premières lignes nous le retrouvons en juin 1915 dans la zone nord du camp retranché de Paris au sein du 282e Régiment d’Infanterie Territoriale (RIT). Il souffre lors des étapes sac au dos mais en bon cultivateur il ne manque pas d’observer les champs. Le régiment fut ensuite dirigé sur la Somme où il devait tenir le secteur des Wagons Brûlés entre la cote 95 et le sud de Lihons.

En janvier 1916 il est envoyé dans le secteur de Framerville puis mis à disposition du Génie pour des travaux d’entretien et la coupe de bois. En juin 1916 il est affecté à la manutention des munitions d’artillerie en vue de la grande offensive de la Somme. C’est à ce moment que le carnet se termine brutalement pour une raison inconnue. Ce qui est sûr c’est que Gaston Devillers survécut et qu’il retourna à sa terre à Fienvillers où il mourut en 1933 ou 1934.

(…) et j’ai commencé à faire sérieusement connaissance avec le sac, nous avons fait 2 étapes, la 1ère de 25km jusqu’à Brie et la 2e de 20km et il me semble que je ne pourrai jamais faire plus mais je me trompais. A Choisy le Roi qui est une belle ville il y a la statue de Rouget de l’Isle. J’eus une permission de quinze jours, à mon retour à Mormant on se prépara à quitter la Brie qui est un beau pays agricole, mais c’est la grande culture et on ne voit que de grosses fermes, le sol composé d’argile imperméable est drainé et très fertile, surtout comme céréales et betteraves à sucre. En voyageant j’ai vu aussi une belle culture maraîchère, remarqué particulièrement un arrosoir mu par l’électricité.

Nous partîmes le 3 juillet avec le sac très chargé. On nous avait fait prendre 80 cartouches, 24 biscuits, 2 grosses boîtes de conserves, deux doubles sachets de vivres et deux cubes pour faire du bouillon. Tout cela ajouté à notre linge, fusil, bidon, musettes devait peser de 50 à 55 livres et nous avions de 90 à 100km à faire en cinq jours. Nous avons arrêté à (?) à la ferme de la Ferrière, à Montfermeil, à Gonesse, enfin on est arrivé à Plessis-Luzarches. Nous étions exténués mais je n’avais pas resté en route. Depuis 5 jours on n’a pas fait grand chose et hier, jour de la fête nationale on a eu repos, le pire c’est que depuis hier il pleut et je me demande ou vous en êtes des foins ?

Ici on entend le canon qui tonne sur les bords de l’Aisne et continue son œuvre de destruction, les blés sont murs et on se demande qui fera la moisson. Enfin j’avais une permission pour la moisson, je devais partir le 25 août mais le 24 il est venu un ordre et le régiment part du côté de Corbie et les permissions sont suspendues. Après quelques contre ordres le régiment part le 31 août mais cette fois en chemin de fer et on descend  à Corbie à 3 heures du matin et en route pour Sailly-le-Sec ou nous arrivons à six heures du matin, nous sommes dans un pays agricole.

Après avoir resté trois semaines à Sailly-le-Sec nous sommes arrivés à Caix et ensuite nous avons passé 8 jours aux tranchées près de Lihons. C’est un village en ruines : l’église est effondrée ainsi qu’une grande partie du pays. Nous avons passé à Rosières où quelques maisons ont été brûlées et beaucoup portent encore la trace des obus. Notre séjour aux tranchées s’est bien passé et nous n’avons eu personne de blessé. On entendait les balles siffler continuellement ainsi que les obus tant qu’allemands que Français et j’ai constaté que notre artillerie était la plus forte et plus active. Je suis rentré à Caix le 6 octobre pour 8 jours de repos et je me suis rencontré avec mon beau-frère Anatole qui est bien portant et a une bonne place. J’ai continué de 8 jours en huit jours à aller aux tranchées jusque fin janvier. On a entendu pas mal de balles, d’obus, de torpilles, bombes et autres explosifs, grenades et crapouillots mais je n’ai jamais été atteint quoique ils ne tombassent pas loin de moi et les balles ne sifflaient pas loin non plus. Le pire jour fut le 4 janvier où un de mes camarades de l’escouade tomba presque à mon côté, il était à 4 ou cinq mètres de moi. Je me portais à son secours mais tout était inutile et la mort avait déjà fait son œuvre. On le transporta au poste de police et le lendemain après avoir été témoin à l’état civil pour son acte de décès j’allai à l’enterrement. Que c’était triste ! Et j’aidai les camarades à recouvrir le cercueil de terre et nous lui avons acheté une belle couronne qu’il avait bien gagnée. Il repose au cimetière militaire de Lihons et quelques jours plus tard j’allai avec mon camarade Carré clouer une inscription en zinc sur la croix. Je vis qu’un adjudant et un soldat Boche étaient enterrés à côté de lui et il en fut encore enterré un dans la plaine à 50 mètres de nous. Porion était vengé.

Fiche individuelle de Zéphir Porion du 282e RIT.

L’ensemble des morts pour la France de la Première Guerre Mondiale
est désormais mis en ligne sur le site suivant :

 http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/

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Aujourd’hui 10 février nous sommes au repos à Caix depuis 11 jours. L’hiver touche à sa fin et je suis en bonne santé. Après avoir été encore huit jours aux tranchées nous sommes revenus à Caix où nous sommes restés 11 jours en cantonnement d’alerte et on ne faisait presque rien. Nous avons parti au repos à Dommartin et Foubert est parti au 322e. Nous y sommes restés 15 jours et on nous a fait manœuvrer et faire des marches fatigantes. Entre temps j’ai été avec Bouffel à Ailly-sur-Noye et nous avons été voir Brasseur Roland à Cottenchy. Nous avons été voir aussi l’abbé Marchand à Thézy, il nous a offert le thé avec un cognac. En quittant Dommartin nous avons été à Mézières et nous allions faire des tranchées et des abris près de Caix à huit kilomètres. Et on ne nous laissait pas de repos, on travaillait même le dimanche. Toujours au son du canon nous allâmes à Guyencourt travailler dans les bois mais comme le bois n’était pas convenable nous partîmes 8 jours après pour Sauvillers-Mongival et nous continuâmes à abattre du bois. Là on avait repos le dimanche et nous fûmes assez heureux et le 23 avril jour de Pâques on fit même une petite fête : manœuvre de pompe, course et on tira aussi sur une corde à quatre chaque bout ce qui nous amusa mais où l’on se fatigua aussi. Surtout pour la pompe en 2 minutes 45 secondes on partit avec la clef on fit 150 mètres jusqu’à la mare on mit la pompe en batterie et le jet partit mais trois jours après on quitta le pays pour des lieux moins tranquilles. Nous fîmes 32 kilomètres sac chargé et nous arrivâmes à Proyart harassés n’en pouvant plus. En cours de route nous avons rencontré le 14e et j’ai vu mon cousin Florent et le charron. Ca fait plaisir de se rencontrer quand on ne s’est pas vu depuis si longtemps. En arrivant nous fûmes logés dans une maison où il y avait eu 2 hommes de tués quelques jours avant. C’était un beau début. Le surlendemain nous avons commencé à faire des emplacements de batterie pour l’artillerie mais au bout de 4 ou cinq jours on nous a envoyés à Framerville et nous avons été salués le lendemain par un copieux bombardement. Un soldat de la 8e fut tué à Ramecourt ainsi qu’un civil et nous nous sommes remis à faire des emplacements de batterie et les Boches nous laissent assez tranquilles. Le jour de l’Ascension fut triste pour moi vu la communion de Léon et c’est dur de n’être pas là pour la 1ère communion de son fils car il faut penser que depuis que je suis parti bien des choses se sont passées sans que j’y sois. J’ai eu le bonheur d’avoir une petite fille qui est bien gentille et j’eus aussi la douleur de perdre ma mère bien aimée. Maintenant nous faisons des sapes dans la pierre et nous boisons en allant et je crois que nous sommes prêts pour recevoir les Boches car il vient sans cesse de l’artillerie. J’ai vu aussi des noirs du Sénégal il y en a beaucoup dans ces parages. Hier comme il arrivait un régiment il fut bombardé et il y eut 2 hommes tués dont un de la sixième du 282 et 5 blessés toujours à Rainecourt qui est à 500 mètres de Framerville. J’oubliais de parler du bombardement des lignes Boches il y a quinze jours vers le soir nos batteries bombardèrent pendant deux heures et sans souci du danger nous regardions les obus éclater sur les tranchées boches et aussi les obus ennemis tomber en face de nos batteries. Une attaque tentée ensuite par une compagnie du 34e colonial n’eut pas grand succès et le lendemain on enterrait à Framerville six artilleurs tués pendant l’action. Aujourd’hui dimanche 4 juin j’ai eu repos avant midi parce que nous avons été en corvée décharger du bois à 500 mètres des Boches la nuit dernière et j’ai été à la messe, c’est la fête de Jeanne d’Arc, puisse-t-elle nous sauver encore une fois.

Enfin le 18 juin je partis en permission de six jours qui furent vite passés et quand je quittais mon père il me parut triste et malade. Hélas je ne devais pas le revoir car aussitôt que je fus parti il s’alita et il mourut trois jours après et comme pour ma mère je n’étais pas là et ne pus assister aux obsèques. Je fus prévenu télégraphiquement mais je reçus la dépêche en même temps que la lettre. Trois jours après j’obtins tout de même une permission et je rentrais en même temps que mon frère que je n’avais pas vu depuis le commencement de la guerre et nous pûmes mettre nos affaires quelque peu en règle. Ainsi, voilà mon père et ma mère morts depuis la guerre, qu’arrivera-t-il encore, on ne sait et il faut s’attendre e tout et ne s’étonner de rien. Quand je suis rentré de ma permission de six jours notre compagnie avait quitté Framerville. Nous sommes maintenant à Wiencourt employés au parc d’artillerie. Nous chargeons et déchargeons les obus il y en a de tous calibres depuis le 105 jusqu’aux gros obus de 370 qui pèsent 505 kilos en passant par les obus asphyxiants. Nous travaillons ferme, on passe une nuit sur deux et presque tous les jours au son du canon. Il y a des jours ou la canonnade fait rage. Nous avons avancé un peu, surtout à la 1ere attaque mais le terrain gagné à la 2eme doit nous avoir coûté cher car il passe sans cesse des blessés et certains régiments ont perdu plus de la moitié de leur effectif. Il y a maintenant des prisonniers Boches qui travaillent à côté de nous. Comme nous en avons pris une dizaine de mille on en a envoyé 250 au parc du génie pour travailler et ils sont employés aussi à charger et à décharger les munitions pour l’artillerie légère (75, torpilles, grenades etc) et ça ne leur plait pas beaucoup. J’ai vu ces jours ci Cuvillier Alex, André Brasseur et les deux frères Brasseur Pierre Arthur et Jean et ils doivent aller au front pour participer à l’offensive, les reverrai-je, on ne sait.

Sources : archives familiales communiquées par Michelle  Vanrenterghem

Historique sommaire du 282e Régiment d’Infanterie Territoriale (4 pages dactylographiées) 

Pour tout contact ou information :pilot2@tiscali.fr