Après la "Grande Guerre" de 1914- 1918, à l'instar de tous les "dominions" de l'empire britannique -aujourd'hui, le Commonwealth -l'Australie ressentit la nécessité d'ériger son mémorial national, comme l'avaient déjà fait les Sud-africains à Longueval (Somme), les Terre-neuviens à Beaumont-Hamel (Somme), les Canadiens à Vimy (Pas-de-Calais), les Indiens à Neuve-Chapelle (Nord), les Néo-Zélandais à Longueval également et les Britanniques à Thiepval (Somme).
Entre la R.S.L. (Returned Services League "Association nationale de vétérans") et le gouvernement, les discussions furent âpres et très longues pour l'implantation géographique: les Flandres belges ? Fromelles ? Bulle- court ? Villers-Bretonneux ? Pozières ? Fallait-il privilégier la tragédie humaine ou privilégier l'événement militaire marquant et décisif dans la conduite de la guerre Villers-Bretonneux ?
En avril 1929, le Président de la République Française signe le décret d'approbation de l'érection du mémorial à Villers-Bretonneux. Mais éclata, en 1930, la grande crise financière mondiale qui bouscula les priorités de dépenses des Etats et de leurs affaires politiques internes.
Vint ensuite le choix définitif de l'architecte : malgré un projet présenté par William Lucas en 1928 à l'I.W.G.C. (Imperial War Graves Commission), le fameux architecte Edwin Lut yens fut désigné pour réaliser le projet (il réalisa le cénotaphe de Londres, le mémorial de Thiepval, du cimetière d'Etaples, du cimetière "Faubourg d'Amiens" à Arras, ainsi que la "Great War Stone" située dans la quasi-totalité des nécropoles militaires britanniques.
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D'après M. Marcel Delaforge, grutier du chantier, rencontré récemment et habitant Villers-Bretonneux, les travaux durèrent de janvier 1937 à novembre 1938. Mais le monument fut inauguré le 22 juillet .1938 par le Président de la République Française, Albert Lebrun, et le souverain britannique George VI alors que le couple royal terminait un voyage en France.
Par une chaleur caniculaire, en présence d'une foule importante composée d'anciens combattants australiens et français, des autorités civiles et militaires et de la population locale, les deux chefs d'Etat rappelèrent le rôle déterminant joué par les "diggers", leur efficacité, leurs drames mais aussi leur courage. L'Anzac Day fut-il célébré en 1939 ? Probablement (en même temps que la Grande Bretagne et la Nouvelle-Zélande, l'Australie déclarera la guerre à l'Allemagne le 3 septembre...).
Le bâtiment fut fortement endommagé durant les brefs combats de la deuxième guerre mondiale (des impacts de balles subsistent encore sur les murs de la tour).
En compulsant le livre d'or de la mairie, commencé en 1924, on constate la visite d'un petit groupe de pèlerins australiens le 23 mai 1940, alors que le groupe suivant laisse trace de son passage le 14 septembre 1944... Le premier Anzac Day est mentionné en 1961 et le sera désormais régulièrement jusquà ce jour.
Les cérémonies majeures de ces quelque dix dernières années se situent en 1988 lorsque, André Giraud, ministre français de la défense d'alors voulut marquer par un cérémonial grandiose, l'anniversaire du bicentenaire de l'Australie. Puis ce fut en août 1993, la visite d'une très importante délégation "75th anniversary", conduite par le gouverneur général Bill Hayden -et, en novembre de la même année, l'inauguration du mémorial de Le Hamel.
Le mémorial, point central du circuit australien du souvenir de Villers-Bretonneux voit sa fréquentation augmenter chaque année et contribue, avec le musée, à maintenir le souvenir de ces hommes venus de si loin se battre sur le front occidental entre 1916 et 1918 : Référence essentielle à une nation jeune en quête de son histoire et de son identité.
Jean-Pierre Thierry, O.A.M.
© Santerre 14-18 2004