Dans les archives de la commune de Hangard se trouve ce compte rendu peu commun concernant un suicide. Curieuse démarche en effet que de se donner la mort quand on pouvait avoir mille fois l’occasion d’être tué au combat, en forçant un peu le destin si nécessaire. Un tel acte ne pouvait qu’indisposer les autorités militaires et c’est peut-être pourquoi elles envoyèrent un major du Q.G. alors que de nombreuses troupes cantonnaient dans le village ou les localités voisines et qu’il aurait été facile d’en un trouver sur place. Peut-être s’agissait-il aussi de vérifier si ce n’était pas une mutilation volontaire qui aurait mal tournée et qui pouvait résulter d’une baisse de moral de la troupe. Ce suicide ne fut pas « maquillé » et l’homme en question ne figure pas parmi les morts pour la France de la base de données de Mémoires des Hommes.
« Je soussigné Bariphon médecin aide-major au quartier général du corps d’armée, certifie avoir été appelé ce matin 5 avril 1916 à 9H30 pour examiner le corps d’un militaire qu’on avait trouvé blessé dans les environs du cantonnement de Hangard (Somme) à 6H et qui venait de déclarer avoir voulu se suicider.
Sa plaque d’identité portait le nom de L******e Georges. Je me suis trouvé en présence d’un homme de 34 ans environ porteur d’un galon d’adjudant et d’écussons du 264e RI cantonné au voisinage. La mort paraissait remonter à 3H, le cadavre était incomplètement refroidi et ayant été transporté dans une remise d’une ferme du village, alors que le blessé n’avait pas encore perdu connaissance. La rigidité était encore incomplète.
A l’examen j’ai constaté que la mort était due à la blessure d’une balle de petit calibre tirée par un revolver dont le canon a été placé dans le 6e espace intercostal gauche sur la ligne axillaire antérieure à 10 cm environ en dehors du mamelon et à 3 cm au-dessus de la ligne bi mammaire. Le projectile traversant obliquement le thorax et le (illisible) antérieur est ressorti dans le 6e espace intercostal droit à 4 cm à droite du bord eternal. Dans ce trajet la balle a mortellement blessé les 2 poumons, le ventricule ou le péricarde et la mort s’est produite par hémorragie au bout d’une heure environ.
Toutes les circonstances et témoignages de l’individu et des militaires qui ont assisté le blessé m’amènent à faire conclure à un suicide et je délivre le présent certificat en vue de permettre l’établissement du permis d’inhumer. »
Hangard le 5 août 1916
© Santerre 14-18 2004