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Ten – Eight – Eighteen
(Dix – Huit – Dix-huit)

by Troop leader
Publié dans un numéro du Cavalry Journal

 

La brigade avait eu une dure journée le 8 août 1918 et avait bivouaqué dans Cayeux Wood, le P.C. de la brigade était dans la partie sud-est. Selon le JMO la nuit avait été calme, cela est correct quant aux pertes mais ce fut en réalité une nuit très bruyante. Le ciel bourdonnait d’avions qui larguaient leurs bombes sur tout ce qui pouvait constituer une cible. Heureusement pour nous ils épargnèrent Cayeux Wood.

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La cavalerie au repos dans un bois en attendant l’avance le 10 août 1918.
(Archives Nationales du Canada )

J’avais été désigné comme estafette en remplacement du lieutenant S. Booth du R.C.D. (Royal Canadian Dragoons) qui avait été tué le 8 et je devais rejoindre la brigade avec mon ordonnance et mes bagages personnels. Ceux-ci se résumaient à une brosse à dents, un nécessaire de rasage et un flasque vide. Si je n’étais pas préoccupé par l’usage des deux premiers articles, en revanche j’étais assez impatient d’utiliser le dernier aussi rapidement que possible.

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Major C.E. Connolly

Le trompette ne sonna pas le réveil le matin du 10 car nous étions tous réveillés très tôt. La nuit avait été froide et nous avions été inquiets. Nous fûmes tous ravis de descendre un coup du bon vieux S.R.D. ( Service Rum Diluted, il s’agit de l’alcool distribué dans l’armée britannique) que le Major C.E Connoly avait sorti de ses réserves.

Je lui fus encore plus reconnaissant de remplir mon flasque. « Con » était toujours d’une grande utilité quand il y avait un problème. Vers 8H30 la brigade qui avait été tenue en réserve jusqu’alors reçut l’ordre de prendre position derrière un petit bois à 1500 mètres au sud de Caix. En chemin nous croisâmes un groupe de trois ou quatre officiers qui étudiaient une carte au bord de la route. Il y avait le Brigadier General J.H MacBrien et le Lieut.-Colonel « Pat » Edward commandant le 38th Bn (…). Nous restâmes près du bois jusqu’à 13H00 passées.

Le moment le plus intéressant au cours de cette attente fut un combat entre deux avions à 200 mètres au-dessus de nos têtes (…). L’avion anglais fut descendu et s’écrasa à 300 mètres de nous. Alors se produisit un événement stupéfiant de rapidité : à peine l’avion avait-il touché le sol et les pilotes venaient-ils tout juste de s’en extraire qu’une ambulance apparut au détour de la route. Cinq minutes plus tard les deux gars étaient en route vers la maison. Il ne restait plus qu’une épave et un Boche triomphant qui survolait nos lignes. Il nous gratifia au passage de quelques rafales de mitrailleuses et disparut dans les nuages avant que nous ayons pu mettre en batterie nos armes antiaériennes.

Vers 13H00 nous avançâmes de nouveau vers un endroit situé à environ 500 mètres à l’ouest de Warvillers. La bataille avait été confuse toute la matinée et l’on disait que les 6th et 7th Cavalry Brigades et la PBI’s (Poor Bloody Infantry) avaient passé un sale quart d’heure autour de Parvillers mais qu’elles étaient en train de déborder par le sud. Le commandant du Corps de cavalerie (Lieut.-General Kavanagh) donna l’ordre à la cavalerie canadienne d’avancer et de s’emparer des hauteurs au nord et à l’ouest de Roye. Nous allâmes d’abord d’un bon trot. Notons au passage qu’il faisait chaud, que nos chevaux n’avaient pas été abreuvés depuis le petit matin et que la plupart n’avaient que peu bu pour éviter un coup de froid. Nous passâmes entre Beaufort et Warvillers mais nous dûmes stopper au niveau de la route Warvillers–Folies car le terrain devenait impraticable pour les troupes montées. Pendant que l’on discutait les plus lourds mirent pied à terre pour soulager autant que possible leurs montures. Il y avait un essaim de voitures d’état-major et l’endroit était saturé d’officiers. Les commandants décidèrent qu’il fallait forcer la route de Roye.

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Cavalerie en mouvement sur la route de Roye (Archives Nationales du Canada).

Extrait du JMO de la brigade : « La brigade avança vers 15H30 via la route Bouchoir – Roye dans l’ordre suivant : FGH (Fort Garry Horse), 4 MG CMGS (Canadian Machine Gun Squadroon), batterie « B » du RCHA (Royal Canadian Horse Artillery), le tout formant une avant-garde avec le Lieut.-Colonel Stevenson du FGH. Le RCD (Lieut.-Colonel C.T. Straubenzie) envoya des patrouilles spéciales d’officiers pour s’assurer du contact avec les Français à droite et avec notre infanterie à gauche. Ils devaient tenir les troupes informées de notre position et nous rapporter leurs positions et situations. Nous entrâmes ainsi en contact avec la 153e DI.

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Capt Harcus Strachan
Victoria Cross 20/11/17

L’escadron « B » du FGH trouva Damery et le bois au sud-ouest encore aux mains de l’ennemi. Déviant vers le sud de la route il dût traverser un barrage fourni puis dépassa l’infanterie. Les Français leur adressèrent des vivats de bienvenue. Sabre au clair et hurlant à pleins poumons, les cavaliers sautèrent les tranchées et foncèrent à travers les barbelés avant de s’emparer d’Andechy. Beaucoup de chevaux furent perdus mais ils s’emparèrent de nombreux prisonniers, d’une mitrailleuse, d’une grande quantité de nourriture et de matériel. Le 173e RI (126e DI) arriva à la suite des cavaliers et prit en charge les prisonniers et le butin. Cet escadron était commandé par le Capitaine Strachan V.C. »

Le P.C. fut installé dans une vieille tranchée qui courait au nord et à l’est d’Andechy près d’un endroit sur la route de Roye nommé « La Cambuse ». L’escadron « A » du FGH aux ordres du Major Middlemast prit position à la lisière ouest d’Andechy et le LSH (Lord Strathcona’s Horse) fut envoyé dans un petit bois au sud de la route de Roye mais en fut bien vite délogé par l’artillerie.

Il y avait une hauteur sur cette route, la cote 100, au sud-ouest juste derrière le Bois en Z. Un escadron du FGH commandé par le Major Roger Hutchison, M.C., reçut l’ordre de s’en emparer. Les chevaux ne pouvaient s’écarter de la route et en une minute un déluge de rafales de mitrailleuses et d’obus provenant du Bois en Z avait jonché la chaussée de corps, cavaliers et chevaux. Ce fut un coup très dur, la brigade du RCHA fit de son mieux pour aider et l’espace d’une minute ou deux l’on crut que le FGH avait réussi. L’état-major de la brigade qui se trouvait dans la tranchée juste en face n’arrivait pas à évaluer la situation même à la jumelle. Il fut décidé d’envoyer le Strathcona’s pour consolider la position mais une reconnaissance personnelle du Lieut.-Colonel D.J. Macdonald, D.S.O., commandant le régiment prouva que le FGH n’avait pas atteint son objectif. Il aurait bien tenté une autre attaque mais renonça à cette idée à causes des rafales et des obus qui s’abattaient depuis la cote 100, Damery Wood et d’autres lieux.

L’infanterie de la 32nd Division avait attaqué le Bois en Equerre au moment même où le FGH était repoussé et l’ennemi tenait toujours le Bois en Z avec des blockhaus. Le General Paterson voulait que l’infanterie se joigne à une attaque avec la cavalerie démontée mais cela resta sans suite (…).

A 17H30 la brigade occupait les positions suivantes :

FGH : 1 escadron à l’est d’Andechy, 1 escadron aux lisières ouest d’Andechy, 1 peloton escortant le RCHA

LSH : sur la droite de la route Amiens-Roye à 1200 m au sud-ouest du Quesnoy.

RCD : derrière le LSH.

RCHA : toutes les batteries en action au sud-ouest de Le Quesnoy

CMG : 4 mitrailleuses en action avec l’infanterie.

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Un cavalier canadien examine l’arme d’un Allemand tué dans son trou individuel
(Archives Nationales du Canada).

L’état-major de la brigade était aux premières loges à ce moment. Nous avions poussé jusqu’aux lignes de l’infanterie et laissé nos chevaux dans une tranchée de communication assez profonde. Les montures semblaient ne se soucier de rien et restaient calmes malgré les obus et les balles (…).

Le Major Roger Hutchison du FGH qui commandait l’escadron qui avait chargé sur la route de Roye revint dans nos lignes. Son cheval avait été tué sous lui et il avait été très sérieusement commotionné. Je fus envoyé l’interroger mais il n’était pas en état de fournir une relation claire (…).

Vers 19H00 on reçut l’ordre de se retirer sur Beaufort pour la nuit et d’y bivouaquer. L’état-major enfourcha ses chevaux dans la tranchée de soutien et emprunta la route de Roye. Son apparition déclancha une nouvelle averse de balles depuis le Bois en Z (…). Quelques kilomètres plus loin nous arrivâmes dans une cour de ferme où il y avait une pompe. Nous n’étions que six et la première pensée fut de donner à boire aux chevaux. Il fallut utiliser des seaux mais comme les bêtes étaient impatientes ce fut malaisé. Les pauvres avaient la langue pendante et burent jusqu’à la dernière goutte.

Nous atteignîmes Beaufort au crépuscule (…). L’état-major s’installa dans une école et tenta de dormir. Comme il y avait deux ou trois brigades d’artillerie lourde dans les environs et qu’elles tirèrent toute la nuit il ne fut pas question de trouver le sommeil et nous nous contentâmes de nous allonger, ce qui était tout de même reposant.

Le 11 nous reçûmes l’ordre de gagner Cottenchy. Nous passâmes la Luce à Thennes et l’Avre à Boves. En chemin nous passâmes entre le Bois de Moreuil et Rifle Wood où la brigade s’était battue en mars. Nous pûmes nous rendre compte du bon point de vue de l’ennemi et après avoir étudié le terrain nous convînmes que Dieu avait été bon avec la Canadian Cavalry Brigade à ce moment-là.

Sur le champ de bataille du 8 août flottait une forte odeur de cadavres de chevaux. Un peu plus loin il y avait quelques épaves d’avions et plusieurs rangées de corps français en bleu horizon qui attendaient d’être ensevelis. Les Français avaient perdu beaucoup de monde le premier jour. Le terrain près de Rifle Wood était peu praticable car les obus étaient tombés drus. A plusieurs endroits les cratères se touchaient.

Durant les opérations la brigade avait perdu 4 officiers et 30 cavaliers tués, 7 officiers et 164 cavaliers blessés, 1 officier et 39 cavaliers disparus soit un total de 245.

pilot2@tiscali.fr