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Une civière dans le bois de Moreuil, 1918

D’après « A l’Ouest rien de nouveau »
de Erich Maria Remarque

Des cristaux de glace rosée s’agglutinent sur la couverture comme des peupliers près de la mare d’un ruisseau.
Dans son village il y a un ruisseau comme ça, et une mare ; et des arbres qui s’y réfugient comme
Ces vieillards voûtés qu’il a vus dans les Rues et
Sur les Boulevards, et sous les porches sombres.

Quand hurlent les mortiers il sait ce qu’il faut faire. Il a un sens aigu de sa dignité,
Il se cramponne à ses vêtements car il sait bien qu’un bon mortier vous déshabille en un clin d’œil
Et il a vu ces morts dans leur nudité bleue pétrifiés dans la boue ; lèvres
Ouvertes sur un cri de givre

Les explosions, pluie de terre et de débris humains, avaient fini par n’être qu’une habitude ;
Il en portait le fracas comme il portait son harnachement, sans plus, il était
Si petit. Cela ne réveillait que quelques échos dans sa poitrine, dans cet espace creux
Entre deux respirations.

Le silence de la civière le souille de lucides épouvantes. Les porteurs : tendus,
Ils grognent en tirant sur leur cigarette dont le bout rougeoyant laisse une trace lumineuse, ils
Trébuchent et ils jurent parce qu’il est lourd, en contournant
Les cratères et l’eau qui en jaillit.

Il sent couler des larmes, et la couverture, rouge et chaude, si on la soulevait lentement comme
Une lithographie, révèlerait les couleurs changeantes de l’automne ;
Un jaune qui s’efface, une feuille
Imprimée dans la glaise.

Clayton Hansen

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Note sur le poème : Une civière dans le bois de Moreuil

En 1929, l’œuvre de Erich maria Remarque, « A l’Ouest rien de nouveau », fut le plus grand succès planétaire des œuvres de fiction. N’est-il pas ironique qu’un livre qui s’était élevé avec tant de force contre la désolation de la guerre, sa futilité, ses souffrances inhumaines, son cortège de morts, dût être suivi dix ans plus tard par une Seconde Guerre Mondiale ?

Ce poème n’est que l’ombre de l’œuvre de E.M. Remarque. Mais, comme toute ombre, j’espère qu’il retiendra l’attention de ceux qui le liront, non pas pour ce qu’il est en lui-même, mais en tant qu’hommage à la profondeur du message contenu dans « A l’Ouest rien de nouveau » et aux réalités humaines qui sont le gâchis de la guerre.

Clayton Hansen est un poète et écrivain de 40 ans qui vit en Australie à Warwick (Quensland) où il est directeur d’une école primaire.

© Clayton Hansen et Santerre 14-18
Cette traduction réalisée avec l’accord de l’auteur ne peut être considérée comme officielle.
Pour toute information pilot2@tiscali.fr